Quelque chose n'allait pas. L'adoption d'Aiden était censée être une grande victoire. L'équivalent d'arracher une mauvaise herbe avant qu'elle ne contamine tout le jardin. Pourtant, rien n'avait changé... ou alors trop peu pour que l'ancienne croquemitaine n'en tire la satisfaction escomptée. D'ordinaire, elle préférait user de phrase assassine enrobée de mot faussement mielleux et ne criait ou ne frappait qu'en dernier recours. Mais dans ce cas précis, l'innocent bambin allait recevoir toute la frustration refoulée de la surveillante.
Les pleurnicheries de sa jeune victime ne l'apaisèrent même pas, alors que ce genre de réaction avait toujours était d'un apaisement souverain pour ces nerfs. C'était impossible, inimaginable !
En désespoir de cause, elle avait tiré le gamin par l'oreille en le conduisant de force à l'intérieur, ponctuer de quelques menaces. Ensuite, Adora poussa un soupir, remit une mèche rebelle derrière son oreille et traina un peu dans le jardin de l'orphelinat. La surveillante prenait de grandes inspirations en espérant calmer ces nerfs à vif. Son regard parcourut le grillage sans chercher un point précis où focaliser son attention... du moins, jusqu'à ce qu'elle vit un visage horriblement familier. Si c'était possible, l'expression sévère de la surveillante se durcit d'avantage face à cette 'vision'.
"Qu'a-t-il fait ? Pardon j'étais dehors, j'ai pas pu m'empêcher d'entendre les cris. Bonjour !"Adora fit une légère moue devant cette invasion verbale de son espace. En réalité, elle était tellement énervée sur un ensemble de petits détails irritant, qu'elle ne savait plus trop, maintenant qu'elle essayait de lentement retrouver son calme, pourquoi elle avait pris le sale gosse en grippe.
"Est-ce vraiment important ?" Dit-elle avec humeur, ne voulant pas avouer qu'elle avait un trou de mémoire.
De toute façon, les mioches faisaient toujours quelque chose de travers. Ce n'était pas parce que la surveillante ne se souvenait pas précisément quelle faute avait été commise cette fois-ci, que cela voulait forcément dire que sa victime était parfaitement innocente dans cette histoire. Plutôt mourir que d'avouer qu'elle avait peut-être été injuste !
En parlant de chose déplaisante à faire... Adora se rapprocha de la grille pour montrer un peu de politesse, même si ces bras croisés et sa mine renfrognée ornée d'un sourire figé trahissaient le fait qu'elle ne faisait pas çà par plaisir.
"Bonjour. Désolé si les cris vous ont dérangés."Il n'y avait rien de tel qu'un bon vieux vouvoiement pour signaler à son interlocuteur que, non, elles n'étaient pas amies. Malheureusement, cette tentative n'eut pas un grand effet sur l'ancienne Selkie qui enchaîna.
"Tu sais, si tu veux qu'ils t'apprécient, tu devrais éviter d'être si tranchante avec eux !"Le sourire poli disparut pour faire place à la mine sévère de la surveillante. Elle aurait pu commencer sa tirade par un 'Ah' méprisant, mais préféra en venir au vif du sujet.
"Je ne veux pas qu'ils m'apprécient." Répliqua-t-elle aussitôt sur un ton catégorique. Ensuite, ses yeux se baissèrent sur les doigts que l'ancienne Selkie avait entremêlés au grillage, comme si elle pouvait les faire griller d'un simple regard.
Obtenir de l'amour de la part de ces sales mouflets ? Et puis quoi encore ! Pour elle, les orphelins se divisaient en deux catégories, les enfants sages qui se retrouvaient adoptés et les mauvaises graines. Adora détestait équitablement ces deux groupes, bien que se soit pour des motivations différentes.
Elle déclina la proposition d'un morceau de tarte avec un geste et une moue dédaigneux, puis elle leva les yeux au ciel avec un nouveau soupir. Malheureusement, l'ancienne ombre se doutait qu'elle ne se débarrassera pas de Willow avec ce genre de phrase ou de comportement. En dépit du bon sens, plus Adora insistait sur le fait qu'elle ne voulait pas de la compagnie de l'ancienne Selkie et plus cette dernière insistait.
"J'estime être sévère mais juste, si vous voulez tout savoir." Déclara-t-elle avec conviction, tout en s'adossant à son tour au grillage.
"Quand ils partiront d'ici, ils auront à affronter bien pire que moi."Emi Burton